Francis Kurkdjian fait d’une pierre deux coups

©Nathalie Baetens

PARFUM Avec son duo Gentle Fluidity, le parfumeur fait un exercice de style qui non seulement casse les codes du masculin et du féminin, mais réussit aussi la prouesse de créer deux fragrances différentes à partir des mêmes ingrédients.

Le parfum doit-il être le reflet de notre époque ? Certainement, car le parfumeur s’inspire du monde qui l’entoure, et les plus pessimistes diront même qu’il obéit aux règles du marketing. On pourrait donc penser que le nouveau projet de la Maison Francis Kurkdjian, Gentle Fluidity, arrive pile au bon moment. « Résolument ancré dans mon époque, j’ai essayé d’intégrer dans mon inspiration des faits de société, comme la notion de genre qui est de plus en plus floue, surtout pour les plus jeunes générations », raconte le parfumeur, cofondateur avec Marc Chaya en 2009 de la Maison qui porte son nom, et aujourd’hui dans le giron du groupe LVMH. En effet, un nom comme Gentle Fluidity, n’est pas anodin tant il rappelle le courant gender fluid ou non-binaire qui gomme l’identité du genre, et les frontières entre masculin et féminin. Presque le point de départ du concept. « C’est un projet qui a mûri pendant trois ans, poursuit Francis Kurkdjian. Nous avions initialement déposé le nom Gender Fluidity, mais le terme a explosé médiatiquement et j’ai donc souhaité en changer, pour éviter que les parfums soient datés. » Le nom sera donc plus subtil, plus « gentle », d’autant que « sur certains marchés le terme était plus sensible, souligne le nez. Alors qu’à l’inverse sur d’autre, comme en Asie, c’est déjà plus intégré. » Bâtir un parfum sur le thème de la nonbinarité, sans paraître opportuniste, dans l’univers à la fois normé et libre du parfum semble déjà être un challenge. Francis Kurkdjian aurait pu lancer une composition mixte au nom accrocheur, mais il a poussé son idée encore plus loin.

Mêmes ingrédients, différents jus. Tout d’abord, Gentle Fluidity n’est pas une création originale, mais deux parfums. Des univers différents, chacun ayant sa sensibilité. Ils se distinguent par les couleurs des capots et une capitale sur le « G » de « gentle » dans un cas, ou le « F » de « fluidity » pour l’autre. « Le nombre d’ingrédients mentionné est exact. Difficile en revanche de valider sans avoir l’intégralité des propos car on ne comprend pas pourquoi l’affaire se corse. » explique-t-il. Il s’agit de la baie de genièvre, pour commencer, avec son côté gin frais. La muscade, boisée presque fleurie, elle aussi en départ. La coriandre en coeur, épicée à la facette florale. Puis un fond fait de de muscs au bloom aérien, de bois-ambrés complexes et de la vanille gourmande sans être sucré. Tout se transforme : en modifiant les concentrations les résultats sont complètement différents. « C’est un véritable exercice de style qui montre qu’avec les mêmes matières premières je peux composer deux identités olfactives différentes », poursuit le parfumeur. Surmonté d’un capot doré, Gentle Fluidity Gold va pousser le curseur des notes coriandre, musquées et vanillées pour obtenir une composition orientale au sillage confortable et aux tonalités gourmandes. Dans un registre très différent, le gentle Fluidity Silver, au bouchon argent, va explorer le registre de la fraîcheur, avec un départ fusant autour du duo baies de genièvre et noix de muscade. Des facettes aromatiques soutenues par la puissance de l’accord boisé-ambré en fond. Des jus qui ne sont pas réellement mixte ou unisexe, mais surtout nongenré. Après tout, les parfumeurs en général se défendent de donner un sexe à un ingrédient, même si certaines associations peuvent tout de suite marquer les esprits. Et les femmes ont moins de problèmes à assumer une part de masculinité et à porter des masculins. Avec Gentle Fluidity, Francis Kurkdjian refuse donc les étiquettes. « Soyez libre », s’amuse le parfumeur. Une idée reprise dans un film en 3D qui accompagne la sortie de ce duo de parfums, réalisé par Hugo Arcier avec le metteur en scène Cyril Teste sur une musique signée Yannick Kalfayan. Depuis le 15 janvier dans les boutiques parisiennes et les Galeries Lafayette Haussmann, à partir de février en parfumeries et GM (500 points de vente monde).

 

SYLVIE VAZ

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