FORMULER POUR BÉBÉ ENCORE PLUS COMPLIQUÉ

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Les produits pour bébé suivent les grandes tendances impulsées par les parents. Entre des formules véganes, naturelles, bio ou clean, les challenges sont nombreux pour les formulateurs.

La peau si particulière des bébés (voir ci-dessous) oblige les marques à une vigilance accrue. Développer une formule pour bébé est un challenge qui demande du temps. « Pour garantir une innocuité maximale, le temps de création d’un produit bébé est d’au moins dix-huit mois, soit deux à trois fois plus que pour un produit adulte, affirme Annabel Mari, directrice scientifique Mixa et Cadum (L’Oréal Produits Grand Public). En matière de création, nous avons recours à 100 % de matières premières hypoallergéniques et qui, de surcroît, ne sont introduites qu’une fois avoir démontré leur tolérance pendant au moins un an chez l’adulte. En plus des tests cliniques préalables à la mise sur le marché. » Un temps long nécessaire même pour les marques comme celles de L’Oréal fortes d’expériences sur les tout-petits. Cette vigilance passe par de nombreux tests « pédiatriques, ophtalmologiques, dermatologiques et hypoallergéniques : énormément de tests sont nécessaires pour s’assurer de la parfaite sécurité et innocuité des produits », ajoute Mahault de Guibert, cofondatrice de la marque La Rosée, dont la nouvelle gamme bébé Mon Petit La Rosée a nécessité pas moins de trois ans de recherche. Car leur peau fragile ne tolère aucun écart quant à l’innocuité et le Règlement cosmétique pour les produits à destination des nourrissons de 0 à 3 ans est très stricte.

Au-delà du bio
Les formulateurs doivent aussi composer avec de nouvelles exigences des parents : volonté de formules courtes, vertes naturellles ou bio, vegan, eco-friendly, yuka friendly… Sachant qu’il est difficile de créer des formules bio ou naturelles fluides et légères, du même niveau de sensorialité. « Obtenir des produits ”plaisir” et safe nécessite de la R&D (c’est fastidieux), du temps (c’est long) et donc un coût plus important », explique Mahault de Guibert. « Le défi va être de formuler avec une liste d ’allergènes passant de 26 à 82 », commente Anne-Charlotte Barlerin, directrice générale de Version Organique, façonnier spécialisé dans le bio. Mais la tendance dépasse aujourd’hui le bio. Place au clean, au less is more. La formule doit être saine, mais les engagements des marques également. « En plus des contraintes fixées par les toxicologues, les consommateurs souhaitent que les produits soient bien notés sur toutes les applica- tions type Yuka : sans palme, vegan, etc. Cela restreint d’autant plus les champs d’action et complique les choses. Les satisfaire devient un vrai défi », assure Caroline Pietri, responsable R&D des Laboratoires BEA, fabricants de cosmétiques bio et conventionnels. Simplicité et transparence sont les maîtres- mots des nouvelles compositions pour bébé. « La clean beauty n’est pas forcément bio, elle peut tout à fait être synthétique. Elle repose sur une innocuité et une tolérance les plus parfaites possibles, des ingrédients peu nombreux et toutes peaux, moins de sourcing et plus de gages de traçabilité », explique Justine Alexandre, chef de projet marketing chez Alpol Cosmétique, laboratoire sous-traitant.
Dans cette démarche, on peut se poser la question des conser- vateurs. « Ils sont indispensables pour protéger les formules des contaminations microbiennes qui contiennent souvent plus de 60 % d’eau. Tout repose sur l’art du formulateur : utiliser des conservateurs qui sont efficaces, mais sans risque. On évite tout ce qui est synthétique, comme le phénoxyéthanol », explique Eva Huix, chef de produit chez Acorelle, marque fondée il y a dix ans. « On pioche dans une liste très restreinte de dérivés d ’acides et utilisons de la glycérine : elle empêche d’avoir de l’eau libre au sein de la formule qui permettrait aux bactéries de se développer », poursuit-elle. La marque a ainsi lancé en avril une gamme pour bébé aux eaux mères des Pyrénées, un concentré d’eau thermale puisée en profondeur, extrêmement riche en minéraux, en oligoéléments et en sel. Outre ses qualités cosmétiques, elle est stable microbiologiquement et permet de réduire l’usage de conservateurs.

Une offre réduite
Les huiles essentielles, conservateur connu des adeptes de cosmétique naturelle, sont à proscrire des formules pour bébé. « Les conservateurs bio font partie des plus irritants. Dire que le naturel et le bio sont meilleurs est un raccourci faux et dangereux», assure Julie Malgouverne, responsable R&D chez le sous- traitant, Alpol Cosmétique. « Ils vont à l ’encontre de ce que l ’on recherche quand on formule pour les bébés : des produits inertes le plus possible, maîtrisés en termes de composition et d’impureté, et totalement connus au niveau du profil toxicologique. » Le bio est un mode de production, une philosophie de vie, mais en aucun cas un grade de qualité. Quant au parfum, il a toujours une place de choix dans l’imaginaire des consommateurs. Et à chaque marque sa doctrine. « Nous travaillons avec des substances 100 % d’origine naturelle, des extraits végétaux. In fine, des tests occlusifs permettent de s’assurer qu’ils ne provoquent pas d ’allergie », poursuit Eva Huix.
Les marques limitent aussi l’offre. « Nous avons choisi de ne pas développer de produits non-indispensables, tels que les parfums destinés aux bébés, mais uniquement l’essentiel nécessaire à leurs soins », poursuit Annabel Mari, directrice scientifique Mixa et Cadum (L’Oréal Produits Grand Public). Les attentes des parents se portent aussi sur les packagings. « Ils sont recyclables et seront bientôt 100 % d ’origine naturelle », annonce Mahault de Guilbert, cofondatrice de La Rosée.
Et ces prochaines années ? Outre le vegan qui devrait conti- nuer sa percée, des études laissent présager des avancées majeures. « Jusqu’ici les tests finaux d’innocuité sont faits sur peaux adultes. Les chercheurs sont en train de créer des modèles de peau de bébé, qui permettront de caractériser encore mieux ses spécificités, d’aller encore plus loin dans le développement de produits bébés », se réjouit Julie Malgouverne.

Une peau à part
La peau de bébé est particulièrement délicate, jusqu’à 3 ans, où elle gagne en imperméabili- té. « D’un point de vue physiologique, elle est très fine, perméable et absorbe presque tout. Le système cellulaire et hormonal est en pleine effervescence. C’est un organe qui évolue au jour le jour », explique Julie Malgouverne, responsable R&D chez Alpol Cosmétique, laboratoire sous-traitant pour l’industrie cosmétique. De plus, sa surface, proportionnellement au poids du bébé, est deux fois plus importante que chez l’adulte. Son contact avec les ingrédients est par conséquent plus grand. Quant à son métabolisme encore immature et ne lui permet pas d’évacuer correctement les déchets.

Marie Guerre

 

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