Les centres commerciaux veulent attirer les DNVB

Obligés de se réinventer, les malls regardent avec attention l’émergence des digital native vertical brands (DNVB) et cherchent à les attirer pour un monde toujours plus phygital.

Mi-octobre, Pyramid. ouvrait ses portes au Carrousel du Louvre à Paris pour deux mois et demi. Dans cette boutique au décor mêlant toile de Jouy et structures d’échafaudages, étaient réunies 22 marques appartenant aussi bien au secteur de la mode que de la déco, ou de la beauté. Leur point commun ? Être des DNVB, des digital native vertical brands. Autrement dit des marques nées sur Internet, avec un business model direct to consumer supprimant les intermédiaires, de la conception à la distribution des produits.

À l’origine de Pyramid., on trouve Unibail- Rodamco-Westfield (URW ), propriétaire du centre commercial parisien, qui s’est associé avec Digital Native Group, cabinet de conseil spécialisé dans les entreprises DtoC (direct to consumer) et DNVB, pour la sélection des marques et la gestion quotidienne de la boutique et à Label Expérience pour le design. « L’enjeu n’était pas simplement d ’ouvrir un pop-up store, mais de construire de toutes pièces une offre inédite et cohérente autour de marques DNVB, qui sont un sujet stratégique pour nous », reconnaît Vanessa Ekindjiann, directrice des innovations au sein de la foncière qui multiplie les tests en France et à l’étranger autour de cette problématique.

URW n’est pas le seul bailleur de centres commerciaux à s’emparer du sujet. À l’occasion de la rénovation-extension de Cap 3000 (Saint-Laurent- du-Var), Altarea a lancé Capsule@cap3000. Ses 700 m2 accueillent des jeunes marques notamment des DNVB, un espace d’expositions artistiques, une librairie, un café, une programmation événementielle. Le lieu qui renouvellera sa proposition à intervalle régulier veut être un véritable incubateur
pour les e-marques émergentes. « Les centres commerciaux ont historiquement attiré des start-up du commerce physique, il est naturel aujourd’hui de le faire avec des start-up du digital dans la mesure où elles souhaitent rencontrer le monde physique », remarque Ludovic Castillo, président du directoire d’Altarea Commerce.

À l’école du retail offline

Alors que leur modèle s’essouffle, les centres commerciaux doivent se transformer et repensent leur offre en intégrant nouvelles enseignes, restauration et loisirs dans leur mix merchandising. « Compte tenu des évolutions du retail et des modes de vie des consommateurs, il est important pour nous d’avoir ces marques qui proposent des produits qui n’existaient pas forcément ou qui ont une manière plus innovante de raconter une histoire que les enseignes classiques. Elles nous aident à avoir une proximité et une interactivité plus fortes avec nos consommateurs sur les réseaux sociaux », souligne Gwenola Galippe de Legge, directrice de Klépierre Brand Ventures. De fait « les DNVB font partie des axes de différenciation des centres commerciaux », relève Nicolas Géry, Senior Manager Retail et E-commerce chez Equancy. Elles peuvent en outre drainer une clientèle peu habituée à fréquenter les malls car elles « répondent aux codes des millennials, ajoute le responsable de la société de conseil spécialisé en stratégie, digital et data. Or ceux-ci sont une des cibles et visiteurs majeurs des centres commerciaux. »

Du côté des marques issues du Web, le besoin d’une présence physique se fait plus prégnant. Et ce pour plusieurs raisons détaille Romain Lafitte founding partner de Digital Native Group : « la première, c’est que les coûts d’acquisition client sont de plus en plus élevés sur le digital. La deuxième, c’est que les clients le demandent afin de pouvoir voir et toucher véritablement les produits ». C’est ainsi qu’on commence à voir ces jeunes marques ouvrir des boutiques même si cela reste modeste au regard de la taille du marché des commerces. Leur destination de prédilection ? Le centre-ville. Les rues commerçantes concentrent en effet 90 % des boutiques (hors pop-up stores) contre 9 % pour les malls, évalue Knight Frank.«Pour ces marques, il y a la nécessité d’être au plus proche de leur cible clientèle », analyse Antoine Salmon, directeur du département locatif commerces du conseil en immobilier d’entreprise. À l’évidence, les centres commerciaux ne sont donc pas une destination naturelle pour les DNVB.

Des centres prêts à revoir leurs conditions

Parmi les motifs freinant une implantation des DNVB en centre commercial, la crainte de se retrouver à côté de marques qu’elles considèrent comme vieillissantes, pointe Romain Lafitte. Des concept-stores comme Pyramid. ou Capsule évitent cet écueil en leur permettant de se retrouver entre marques partageant ADN et engagements similaires dans un univers à leur image. De tels formats leur offrent non seulement l’avantage d’atteindre une taille critique, leur assortiment reposant souvent sur un ou deux produits phare, mais leur apporte aussi un service clé en main en leur fournissant forces de vente et système d’encaissement. Les pop-up stores sont pour cette raison une bonne formule en leur permettant de rencontrer leur clientèle et au-delà. « Nous avons la capacité d’accompagner les DNVB dans leur exploration du commerce omnicanal. Pour elles, un centre de shopping comme Westfield Les 4 Temps à La Défense (92), qui accueille 43 millions de visiteurs par an, représente une très belle opportunité business, et leur permet d’entrer dans une relation riche avec leurs clients », note Vanessa Ekindjiann.

Par ailleurs peu de DNVB sont assez puissantes pour supporter les coûts de structures induits par l’exploitation d’une boutique mono marque « classique ». « Les foncières vont devoir se montrer flexible sur les contrats si elles veulent attirer ces marques », estime Romain Lafitte. À Cap 3000, Altarea prélève une commission sur le chiffre d’affaires réalisé par les marques présentes au sein de Capsule pour couvrir les coûts. « Aujourd ’hui, les grandes gagnantes sont les marques instal- lées. Le chiffre d ’affaires étant prometteur, c’est un accélérateur pour elles », considère Ludovic Castillo, président du directoire d’Altarea Commerce, qui réfléchit par ailleurs à revoir son mode de facturation, les ventes réalisées sur Internet alors que l’acte d’achat à commencer dans le centre échappant à la foncière. « On peut leur offrir une souplesse qui n’existait pas dans retail d ’autrefois, affirme pour sa part Gwenola Galippe de Lagge, directrice de Klépierre Brand Ventures. Nous nous adaptons à leurs besoins car nous sommes tous en test and learn. Leur succès deviendra le nôtre un jour. »

Elles n’ont pas hésité à y aller

Christiane Varak, cofondatrice de Foamous

Des infos précieuses sur les clients « Cette expérience en centre commercial est extrêmement concluante et rentable », se réjouit Christiane Varak, cofondatrice de Foamous. La marque de mousse de parfum, vendue sur Internet et dans les boutiques Nocibé, est l’une des trois premières marques de beauté référencées par Capsule. « Le trafic généré par le centre m’a donné de la visibilité, m’a permis d’expliquer mon produit et a généré des ventes », résume la créatrice qui estime en plus avoir recueilli « des infos extrêmement intéressantes » sur les comportements de ses clients. Ayant validé son concept, Christiane Varak envisage de passer à une phase 2 avec l’ouverture d’un pop-up store dans un centre commercial, voire d’un magasin en propre.

Adèle Baraban, responsable marketing oOllution

Une expérience du retail physique « Si boutique à enseigne il doit avoir, ce ne sera pas avant d’avoir étoffé la gamme et ce sera plutôt en centre-ville pour oOlution. La marque de soins sur-mesure 100 % bio salue néanmoins « l’énorme visibilité que lui a donné Pyramid. dans un quartier central, avec du trafic. Cela nous a permis d’attirer de nouvelles personnes sur notre site Internet, de fidéliser nos clients », indique Adèle Baraban, la responsable marketing. Cette expérience réalisée sans avoir exigé de « démarche com- merciale de la part de l’équipe a cependant demandé beaucoup de travail d’un point de vue merchandising. Ce sont de nouvelles données qu’on doit intégrer quand on passe en physique. »

Christine Galimant

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