Parlez-vous le langage des fleurs ?

© Tomislav Saic / Fotolia

La fleur, incarnation absolue de la féminité, est depuis toujours la muse du parfumeur. On la retrouve presque partout dans les compositions du moment. Mais de quelle fleur parle-t-on ?

Les parfums fleuris sont-ils nombreux parmi les nouveautés ?

Chaque année, c’est un véritable raz-de-marée ! Près des trois quarts des nouveaux parfums féminins sont des fleuris et cette proportion ne se dément jamais. Il faut dire que la palette florale est particulièrement riche et variée. Il existe un nombre incalculable de notes fleuries : rosées (rose, magnolia, géranium, pivoine…), solaires (tubéreuse, jasmin, ylang…), vertes (jacinthe, gardénia…), cuir (genêt, jonquille, narcisse…).

La famille fleurie est-elle «unie»?

Parmi ses innombrables notes, on peut distinguer deux sous-catégories : les fleuris suaves (jasmin, tubéreuse, ylang, rose absolu, fleur d’oranger…) et ce qu’on appelle volontiers les fleuris frais (les plantes printanières comme le muguet, le néroli, la rose essence et le lilas…).

Les fleurs sont-elles forcément féminines ?

Il s’agit de conventions purement marketing ou tout au moins culturelles. Traditionnellement, en Occident, les accords floraux sont dits féminins. Mais tel n’est pas le cas dans d’autres cultures, à commencer par le Moyen-Orient où les hommes aiment porter de la rose ou du jasmin (des fleurs enveloppées de santal, d’encens et de bois de oud). Une approche qui n’est pas neuve puisque Fahrenheit de Dior (1988) renfermait déjà de la violette, mais qui contamine lentement nos goûts. Ainsi, on trouve dans les parfums masculins de la violette, du géranium et parfois même de la rose par touches (1 Million de Paco Rabanne).

Mais alors, est-on condamné à utiliser des fleurs pour parler aux femmes ?

Bien sûr que non. Angel (Mugler), fragrance gourmande par excellence, ne renferme pas la moindre fleur. Il y a même des maisons, à l’image de Comme des Garçons, qui revendiquent une aversion pour les fleurs.

La violette et l’iris sont-ils considérés comme des fleurs en parfumerie ?

Certaines fleurs sont classées plutôt dans les notes poudrées. C’est le cas de la violette (dont on ne peut utiliser que les feuilles en parfumerie ; l’odeur de la fleur étant, elle, une reconstitution), de l’iris (dont la fragrance vient des rhizomes : des tiges souterraines auxquelles s’attachent les racines que l’on distille à la vapeur), du mimosa et de la cassie (à ne pas confondre avec le cassis !).

Qu’appelle-t-on une «fleur muette» ?

Il ne faut pas confondre les fleurs du jardin et celles de la parfumerie. Certaines, qui sentent pourtant fort bon, ne sont pas utilisables dans une fragrance. La fleur «muette» est donc une variété (parfois d’ailleurs très odoriférante) dont on n’arrive pas à extraire le parfum par quelque procédé que ce soit. On peut citer, au nombre de celles qui ne livrent pas leur âme, le muguet, le lys, le lilas, la pivoine, le freesia, l’œillet, la violette, la jacinthe, le gardénia et le chèvrefeuille. Ce qui veut dire qu’il n’y a pas de pivoine dans un parfum qui sent… la pivoine.

Comment donner la parole à une fleur muette ?

En mélangeant d’autres fleurs et des molécules de synthèse. On appelle ça une reconstitution, c’est-à-dire un mini-parfum composé en général d’une dizaine d’ingrédients. Le créateur peut donc obtenir un lilas à l’odeur naturelle en mélangeant plusieurs ingrédients (pas forcément les mêmes que son collègue d’ailleurs, à chacun sa propre façon de reconstituer une fleur). Sans l’apport de la chimie, on n’aurait jamais eu Diorissimo de Dior – probablement le plus beau parfum sentant le muguet –, sorti en 1956.

Qu’entend-on par «soliflore» ?

Il y a finalement deux façons de traiter les fleurs dans une composition : le bouquet floral (on met alors en avant plusieurs fleurs : jasmin, tubéreuse et rose, par exemple) ou le soliflore, résurgence de l’âge d’or de la parfumerie moderne. Le caractère de la fragrance s’exprime alors au travers d’une seule et unique fleur. Certains soliflores – la rose notamment – peuvent avoir un caractère un peu daté. La tendance est d’aller de plus en plus vers l’abstraction, vers des bouquets que l’on dit «floutés» ou fondus, cette sensation de milliers de pétales qui caressent la peau, où l’on est bien en peine de distinguer une fleur plutôt qu’une autre (c’était le cas du grand floral de la maison Hermès baptisé Jour).

Toutes les fleurs peuvent-elles se mélanger ?

Oui ! Mais certaines s’accordent mieux que d’autres. Le parfumeur sélectionne surtout des variétés qui ont des facettes en commun.

La revanche des fleurs solairesLongtemps considérées comme un peu cheap, les fleurs solaires font un retour gagnant dans les compositions. La raison est simple : elles évoquent les vacances, la joie de vivre, le bonheur, et on en a plutôt besoin en ce moment, non ? Parmi elles, on compte le jasmin sambac et la tubéreuse, mais surtout l’ylang, la fleur de frangipanier et celle de tiaré (certaines marques évoquent même un accord monoï) que l’on retrouve chez Sisley, Lolita Lempicka ou Dolce & Gabbana.

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